Christian Louis : autoportrait

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En 1948

Christian Louis ouvre les yeux sur le monde dans une loge de concierge d’un faubourg parisien. Vieux immeubles, petits marchés sont ses terrains de jeux et artisans, commerçants, ses premières rencontres. À l’orphelinat, dans la petite cellule du bon élève il fait ses premiers « voyages immobiles », il attend les rares visites en lisant Jean Ray, Conan Doyle. Sans doute la librairie de son grand-père place de la Sorbonne lui aura-t-elle donné l’amour des livres.

Le lycée Chaptal n’est qu’un bref passage, trop grand, trop anonyme après l’orphelinat. Les rues et les baraques foraines de Pigalle ont le goût des saucisses et l’odeur des parfums lourds des dames tristes. Les expositions où sa mère l’accompagne ; Erwitt, Kertèsz ou Bill Brandt, l’amènent en 1962 à devenir apprenti, assistant de plusieurs photographes de mode, c’est avec eux qu’il acquiert une technique solide et un regard photographique rigoureux.

Il devient photographe indépendant en 1966 dans le monde de l’automobile. Publicis et les revues spécialisées fournissent le terrain de jeux des rêves de l’enfant émerveillé par les Gordini de son oncle et les odeurs de ricin.

Les rencontres sont la colonne vertébrale de son travail. L’amitié est au cœur de sa vie et de ses photos. Voyageur attentif, loin des rythmes effrénés, il s’imprègne des lieux, des ambiances, des odeurs, pourrait-on dire. C’est dans une « chasse à l’affût » qu’il attend que les hommes entrent dans son théâtre pour y jouer leur vie.

En 1990, commencèrent les dix ans de cancer, avec ses combats, ses doutes, ses souffrances ; ils révèlent ce fort instinct de vie qui, depuis toujours, le caractérise.

L’urgence talonne, il faut transmettre ce qui a été si essentiel et continuer ce chef-d’œuvre de vie inachevé trop court, beaucoup trop court…Le poste de professeur à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs (ENSAD) sera offert par un ami. De janvier 1992 au dernier jour, aucun rendez-vous avec la rue d’Ulm ne sera manqué ; du scooter, de la moto ou d’un taxi, c’est le corps qui décide.

Il puise dans cette relation de partage avec ses élèves, l’énergie et l’approfondissement de ses réflexions photographiques. Il s’y révèle « un accoucheur de regard ». L’expérience, le travail, la curiosité insatiable pour ce que l’école n’a pas apporté et tout ce qui l’entoure sont les diplômes de cet enseignant autodidacte, atypique qui mène ses étudiants à eux-mêmes. Le corps meurtri, le corps absent, répond pourtant dans l’ultime voyage avec les saltimbanques tsiganes du Passage Lathuile, dans la chaleur du feu et de l’amitié.

La photographie plus que jamais reste la lumière qui le fait avancer.

Le 5 juin 2001, il a décidé de s’asseoir définitivement sous un saule sur les bords de la Loire qu’il aimait tant, au pied de la colline de Sancerre. Il continue ses « voyages immobiles » au fil de l’eau, peuplés des chants d’oiseaux, du rire des enfants, des rêveries des promeneurs et des chansons du « marinier d’Loire » son voisin….Ceux qui s’assoient près de lui ouvriront leurs yeux, ceux du cœur….

Martine LOUIS